09/06/2025

Taiwan Today

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L'ère des cheveux gris

01/01/1998

a vieillesse évoque à chacun des images différentes. A la vue des membres âgés de leur famille, certains soupirent à la pensée des dispositions, sans fin semble-t-il, qu'ils vont devoir prendre pour ces «bougies qui vacillent dans le vent». Des connotations négatives viennent pratiquement toujours à l'esprit lorsqu'on mentionne la vieillesse, les plus courantes étant la dépendance, l'impotence et la maladie. Y a-t-il une vie après l'âge moyen ou, inversement, la vieillesse n'apporte-t-elle que des désagréments ? «Je ne pourrais pas profiter mieux de la vie que je le fais actuellement, déclare Hsu Lan-hua, une femme de 79 ans pensionnaire d'une maison de retraite. Mes enfants ont leur propre existence et j'ai la mienne. J'adore pouvoir organiser mes journées comme je l'entends. Et le gouvernement a été bon pour nous en nous accordant des alloca tions substantielles pour les soins médicaux et les transports ».

Ainsi donc, les personnes âgées peuvent mener une existence intéressante et optimiste. Ce fait revêt une grande impor tance pour les individus, les familles, la société et le gouvernement dans les efforts concertés qu'ils mènent pour trouver des solutions au problème du vieillissement de la population à Taïwan. Tant que la notion perdure que les citoyens âgés peuvent contribuer à la société au lieu d'être une charge pour elle, il est permis d'avoir de l'espoir.

Malgré tout, l'ampleur du problème a de quoi donner des sueurs froides aux plus optimistes. L'Organisation mondiale de la Santé définit comme «âgée» toute société où les personnes de 65 ans ou plus représentent au moins 7% de la population totale. Selon ce critère, Taïwan est une société «âgée» depuis septembre 1993, date à laquelle les plus de 65 ans ont atteint la proportion de 7,1%. Depuis lors, ce taux n'a cessé d'augmenter. En 1996, il est passé à 7,86%, ce qui représente 1,69 million de personnes du troisième âge. Ajoutez à cela une natalité en déclin et vous obtenez une pyramide des âges qui s'émousse peu à peu.

«En comparaison des autres pays industriels avancés, la population âgée de Taïwan ne semble pas si nombreuse, déclare Lin Wan-i, professeur et président du Département de Sociologie de l'Université nationale de Taïwan. Mais ce qu'il faut noter, c'est le rythme du vieillissement, qui est beaucoup plus rapide à Taïwan qu'aux Etats-Unis et en Europe». Bien que sur le Vieux Continent, la proportion de la population âgée tourne autour de 15%, il a fallu environ 80 ans à ces pays pour passer de 7% à leur niveau actuel. Or, selon les projections qui sont faites, la même évolution prendra moins de 30 ans à Taïwan. «Ceci montre de façon très significative que le vieillissement de la population va avoir un impact plus grand à Taïwan que dans les pays occidentaux industrialisés», explique-t-il.

Les calculs effectués par la Commission d'Etat de la Planification et du Développement économiques (CEPD) corroborent les propos de M. Lin. Selon les données de la CEPD, d'ici à l'an 2036, les personnes âgées représenteront 21,5% de la population totale de l'île. Autrement dit, une personne sur cinq appartiendra à la catégorie du troisième âge. Cette année-là, il y aura 63 non actifs pour 100 actifs, dont 35 personnes âgées. Comme le fait remarquer M. Lin, le principal défi va consister à trouver des solutions efficaces pour minimiser les effets adverses attendus, tout en garantissant une protection sociale aux personnes âgées. Et le temps presse.

Autrefois, c'était aux familles de s'occuper des personnes âgées, selon une tradition qui imprégnait toutes les couches de la société chinoise. Mais l'industrialisation, le progrès économique et les changements de mode de vie ont eu une profonde influence sur les foyers taïwanais. L'une des principales évolutions concerne les jeunes couples qui choisissent de vivre seuls dans leur propre appartement, soit parce qu'ils n'ont pas envie de partager un logement avec la vieille génération, soit parce qu'en cette époque d'inflation des prix de l'immobilier, ils n'ont pas les moyens de payer un loyer élevé. Un rapport publié par le ministère de l'Intérieur (MOI) donne une idée de la tendance : la proportion des personnes âgées vivant avec leurs enfants est passée de 70,2% en 1986 à 64,28% en 1996.

Corollaire de l'allongement de l'espérance de vie, les personnes âgées ont désormais un risque accru de contracter une maladie chronique. En conséquence, leurs enfants sont de moins en moins en mesure de leur assurer des soins médicaux, exigeants en temps, en énergie et en argent. « Il semble cependant que le gouvernement continue à at-tendre de la question du vieillissement de la population qu'elle se résolve par le biais de la structure familiale chinoise traditionnelle, laquelle consiste à regrouper plusieurs générations sous le même toit, note Lin Wan-i. La raréfaction des ressources familiales appelle le gouvernement à jouer un rôle plus actif. Afin de mieux assurer le bien-être des anciens, il doit mettre en place un système harmonieux de sécurité sociale».

La liste des besoins du troisième âge, tirée des rapports compilés par le MOI, se présente comme suit : soins de santé, sécurité financière, détente et loisirs, logement indépendant, services sociaux, aide à l'adaption psychologique et sociale. La Loi du Bien-être du Troisième âge, adoptée en 1980, a constitué une tentative de réponse à ces divers besoins. A la lumière de ces lignes directrices, le gouvernement a depuis lors mis en place une large gamme de programmes destinés à faire face aux problèmes résultant de l'augmentation de la proportion des personnes âgées à Taïwan. Mais ils sont coûteux dans le cadre de la Loi du Bien-être, le budget du ministère de l'Intérieur est passé de 530 000 USD durant l'année fiscale 1984 à 64 millions d'USD en 1996 ! .

On peut dire que l'ampleur du programme justifie son coût. Les mesures d'ensemble prises dans le domaine du bien-être comprennent l'établissement d'institutions de soins pour les personnes âgées, des appartements spécialement conçus pour le troisième âge, des maisons de santé, des organisations éducatives, des centres de détente et de loisir, des centres de garde de jour, des transports gratuits et des mesures d'aide aux familles avec personnes âgées sous la forme de déductions fiscales et de priorité d'accès aux logements dont les loyers sont subventionnés par l'Etat. Des activités variées séances d'étude, foires, lectures, concours de talents, compétitions d'athlétisme et programmes de bénévolat sont organisées de temps en temps pour enrichir la vie des citoyens âgés. Ceux qui ne disposent que de revenus limités reçoivent une aide supplémentaire composée d'une allocation mensuelle comprise entre 107 et 214 USD, ainsi que d'autres subventions destinées à améliorer leurs conditions de logement, à amortir leurs dépenses médicales et à leur permettre d'avoir recours aux services d'une garde-malade dans le cas d'une hospitalisation.

Mais malgré ces programmes, Lin Wan-i, de la NTU, estime que le gouvernement agit avec trop de lenteur face au problème du vieillissement de la population et qu'il ne répond pas aux besoins grandissants et de plus en plus variés du troisième âge. En particulier, les services sociaux font défaut et de nombreuses restrictions sont un obstacle à la création d'institutions privées. «Le besoin en centres de garde de jour pour les personnes âgées est réel et ne fera qu'augmenter, rappelle-t-il. Les demandeurs devront donc trouver satisfaction sur le marché. Mais à l'heure actuelle, de nombreuses insti tutions privées dépourvues d'autorisation échappent aux règlements du gouvernement en matière de normes de sécurité et de qualité d'ensemble. Cette situation pourrait se révéler très dangereuse pour les personnes âgées». M. Lin appelle le gouvernement à s'attaquer à la racine du problème, à découvrir pourquoi certains centres choisissent de ne pas demander de licence et à leur apporter son aide quand ils décident de régulariser leur situation.

En ce qui concerne les soins de santé, qui sont la principale préoccupation des personnes âgées, M. Lin reconnaît que la mise en place du Programme national d'Assurance Santé (NHIP) a effectivement soulagé la pression financière qui pesait sur les personnes âgées et leurs familles en prenant en charge l'essentiel des dépenses médicales. Mais il laisse entendre que deux domaines demandent des efforts plus poussés : la recherche médicale consacrée aux maladies les plus courantes chez le troisième âge et les techniques de traitements médicaux et de soins infirmiers.

Outre la santé, l'argent figure aussi en général parmi les principales préoccupations des personnes âgées. Taïwan a l'intention de régler le problème en mettant en place une pension de retraite nationale obligatoire, à l'image de la plupart des autres pays. C'est maintenant une urgence du fait du vieillissement accéléré de la population de l'île. En attendant, estime M. Lin, des efforts devraient être faits pour améliorer les comportements envers les personnes âgées. Mieux souligner leur contribution à la société serait, selon lui, une façon d'éduquer. Les jeunes en particulier ont besoin qu'on leur enseigne comment mieux s'entendre avec les anciens, afin de réduire au maximum les conflits nés du fossé des générations. « Dans vingt ou trente ans, il y aura des personnes âgées partout, souligne M. Lin. Si les jeunes ont d'elles une opinion négative trop nombreuses, trop dépendantes des conflits de génération sont à craindre, avec, à la clef, des problèmes sociaux ». C'est maintenant qu'il faut aider les jeunes à prendre conscience du fait que les personnes âgées formeront bientôt une partie importante de la population et leur prodiguer des conseils sur la façon de s'occuper d'elles.


L'ère des cheveux gris

Un autre domaine qui mérite qu'on s'y attarde est celui des services sociaux pour le troisième âge. Les personnes âgées sans famille ou à faible revenu sont placées dans des institutions de grandes dimensions, sans égard pour leur état de santé ou leurs besoins individuels. «De tels soins à large échelle en institution impliquent des coûts élevés, affirme M. Lin qui ajoute : ils sont aussi inhumains». Certaines personnes âgées encore capables de se mouvoir et de se prendre en charge au quotidien n'ont pas à être envoyées dans des institutions où leur liberté est limitée. A la place, le gouvernement doit faire preuve de la même fermeté dans l'application de deux politiques. La première est d'établir des maisons de santé supplémentaires pour ceux qui souffrent de maladies chroniques et ne peuvent prendre soin d'eux-mêmes. L'autre est de fournir davantage de logements adaptés aux besoins des personnes âgées, ainsi que des services à domicile pour ceux qui parviennent encore à vaquer à leurs tâches quotidiennes. Quel que soit le type d'institutions qui sera retenu, celles-ci devront être de petite taille et intégrées au sein des quartiers.

Wu Yu-ching, secrétaire générale de la Ligue d'Amélioration du Bien-être des Personnes âgées, est d'accord sur le fait que davantage de centres de garde de niveau local sont nécessaires, de préférence à de grandes institutions. «Les personnes âgées se sentent plus à l'aise dans les centres de quartier parce qu'elles sont familières de ce genre d'environnement», explique-t-elle. Ce système leur permet aussi de se réunir plus facilement avec les membres de leur famille et leurs amis. Certains vieillards admis dans les institutions publiques sont effrayés par ce nouvel environnement et ont l'impression d'avoir été abandonnés. Mlle Wu considère aussi que chaque quartier devrait disposer d'un réseau complémentaire intégrant transports, centres d'achat, services médicaux fondamentaux, centres de loisirs, soins à domicile et centres de garde de jour.

La Loi du Bien-être du Troisième âgea été amendée en juin 1997, une initiative saluée par de nombreux observateurs. Mlle Wu a ressenti une grande satisfaction lors de l'adoption des articles additionnels portant sur les soins à domicile, les subventions pour traitements médicaux spéciaux, la protection et la sécurité, ainsi que l'adoption de dispositions d'urgence pour les personnes âgées. Mais elle soutient que les règlements amendés concernant l'établissement d'institutions pour le troisième âge sont trop complexes et trop ambigus.

Ainsi, la nouvelle loi classe les institutions en cinq catégories : soins à long terme, infirmiers ou ordinaires, détente et loisirs, services. Chaque catégorie d'institution doit satisfaire à différents critères en ce qui concerne l'architecture, les dimensions, les équipements anti-incendie, la prestation de services, le recrutement de personnel et l'hygiène. « Sans un ensemble de critères définis, réalistes et réalisables, les opérateurs privés risquent de se sentir perdus, explique Mlle Wu. Ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire pour être dans la légalité. C'est la raison pour laquelle l'île dispose de plus de 2 000 institutions de soins médicaux et infirmiers dont moins de 100 sont légales».

Mlle Wu qualifie aussi d'inadéquate en termes de contenu et d'ampleur la mise en place par le gouvernement de la politique sociale pour le troisième âge, qui est centrée sur la fourniture d'une aide à un petit pourcentage de vieillards à faible revenu. Elle affirme que les personnes âgées sont, d'une manière générale, mal couvertes par les programmes de protection sociale.

En réponse à ces critiques, Keven Chen, directeur du Département des Affaires sociales du MOI, souligne que la distribution des ressources doit accorder la priorité aux catégories dans le besoin. Ce n'est qu'ainsi que les moins privilégiés pourront jouir d'une aide intégrale sans que soient pour autant asséchées les caisses de l'Etat.

Un bon exemple de ce qui peut arriver quand un schéma social n'est pas suffisamment contrôlé est le très controversé programme d'assistance financière «Respect des Anciens», mis en place par la municipalité de Taïpei en mars 1996. Les habitants de la capitale âgés de 65 ans ou plus peuvent solliciter une allocation mensuelle d'environ 185 USD auprès de la mairie. Mais, alors que l'administration était enfin venue à bout de toutes les complications liées à la mise en place du système, le programme a été interrompu sept mois plus tard pour cause de manque de fonds. «Toute politique sociale doit être responsable et menée sur la durée si elle veut gagner la confiance du public, déclare M. Chen. A la lumière de ces critères, le projet d'instauration d'une pension nationale est un meilleur choix». Son propre ministère travaille actuellement à la mise en place de ce plan avec la CEPD. Le programme devrait être appliqué à titre d'essai en l'an 2000. «Ce sera un véri-table programme de protection sociale, qui durera suffisamment longtemps pour garantir la sécurité financière de la population âgée», ajoute-t-il.

En ce qui concerne l'épineux problème des soins en institution, M. Chen reconnaît qu'à l'heure actuelle, l'île ne possède pas suffisamment de maisons de santé et de maisons de convalescence à long terme pour répondre à la demande. Il explique que pour améliorer la situation, le gouvernement prévoit de prendre des mesures incitatives qui doivent encourager le secteur privé à renforcer sa participation dans ce domaine. Il va également revoir les règlements portant sur l'établissement de ces institutions, en particulier dans les petites localités.

D'autre part, le ministère va faire son maximum pour permettre aux centres de garde de jour non reconnus de se mettre en accord avec la loi. M. Chen reconnaît que ces institutions contribuent à la société en concourrant à la satisfaction des besoins des personnes âgées. «Mais la question centrale est la sécurité, affirme-t-il. Il ne peut y avoir le moindre compromis sur des points tels que les équipements anti-incendie, d'autant plus qu'il s'agit de personnes âgées dont certaines ont peut -être du mal à se déplacer». Les conséquences peuvent être gravissimes en cas d'incendie. C'est la raison pour laquelle le ministère pourrait assouplir les règlements dans certains domaines tels que le nombre d'employés et de lits requis. En re vanche, il ne fera pas de concession sur les règles de sécurité. «Le droit des personnes âgées à vivre sans crainte dans un environnement sûr doit être garanti», déclare-t-il.

M. Chen soutient que les efforts concertés des secteurs public et privé ont permis de nombreuses améliorations. Il cite en exemple les amendements apportés au mois de juin à la Loi du Bien-être du Troisième âge. «La principale amélioration est que la limite d'âge définissant une «personne âgée» est passée de 70 à 65 ans, en accord avec les critères en vigueur aux Etats-Unis», explique-t-il. Une autre innovation est la formulation d'une politique de soins à domicile adaptée. Les personnes âgées sont par tradition réticentes à quitter leur domicile et à s'installer dans des maisons de retraite. Le MOI a donc pour intention de promouvoir des mesures qui permettront à la plupart d'entre elles de rester dans le confort de leurs maisons tout en recevant dans un même temps les soins essentiels.

La loi amendée prévoit aussi que les familles à faible revenu bénéficieront d'allocations spéciales si l'un de leurs membres doit abandonner son emploi pour s'occuper d'un parent âgé et souffrant. « Cette nouvelle mesure sera mise à l'essai en 1999. Elle a pour but d'encourager les familles à soutenir et à participer davantage à la prise en charge des personnes âgées», explique M. Chen. De plus, le gouvernement a l'intention d'accorder des subventions, dans le but de promouvoir la création de nouveaux centres et organisations de loisirs et d'éducation.

Pour de nombreux observateurs cependant, le point fort de la nouvelle loi est son volet portant sur les me-sures de protection des personnes âgées. Il appelle les autorités locales et les services sociaux à fournir une protection et un logement à court terme aux personnes âgées dont l'existence, l'intégrité, la santé ou la liberté sont menacées par la négligence ou les abus, ou à la suite d'un abandon par leurs familles. Les parents reconnus coupables d'actes violant le statut sont passibles d'une amende comprise entre 1 070 et 5 360 USD. Leurs noms devront être rendus publics et si les abus sont assimilés à un crime, ils risqueront même la prison. M. Chen considère qu'une fois que la loi amendée sera entrée en vigueur, la protection offerte aux personnes âgées ne sera pas moindre que celle qui existe actuellement dans les pays européens et aux Etats-Unis.

Un autre domaine dans lequel Taïwan soutient la comparaison avec les pays industrialisés est la santé. Le NHIP, mis en place en mars 1995, a beaucoup fait pour apaiser l'une des principales inquiétudes des personnes âgées : les dépenses de santé. «A l'heure actuelle, pratiquement toute la population du troisième âge est couverte par le programme d'assurance, ce qui lui permet de bénéficier de soins médicaux appropriés », affirme Liu Chien-hsiang, directeur général adjoint de l'Office de l'Assurance Santé nationale, sous tutelle de l'Office de la Santé publique. « En comparaison, 50% environ des citoyens âgés ne disposaient d'aucune couverture sociale avant le lancement du NHIP ».

Le principal objectif du programme, comme le fait remarquer M. Liu, est de faire en sorte que les bien-portants et les jeunes aident les faibles et les personnes âgées. Ces dernières sont les plus nombreuses et les plus fréquentes utilisatrices des ressources médicales mais elles ne versent pas davantage de cotisations que les membres des autres classes d'âge. (A l'heure actuelle, les citoyens âgés de Taïpei et de Kaohsiung sont exonérés de cotisations, leurs municipalités respectives les finançant pour eux). L'an dernier, chaque citoyen âgé de plus de 65 ans a coûté quelque 730 USD au système médical de l'île. La somme correspondante pour les personnes âgées de 45 à 64 ans a été de 427 USD, contre 209 USD pour le groupe des 15-44 ans. En résumé, le troisième âge, qui représente 7,86% de la population totale, est responsable de 25,8% de l'ensemble des dépenses médicales des habitants de Taïwan.

On dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir et qu'une façon d'aider les personnes âgées à demeurer physiquement et mentalement en forme est de leur donner quelque chose d'intéressant à faire. C'est la raison pour laquelle la Commission d'Etat du Travail (CLA) formule actuellement des mesures pour encourager les employeurs à embaucher des personnes âgées ou à les garder parmi leur personnel lorsque vient le jour de la retraite. Avec le déclin de la population active de l'île, qui va entraîner un ralentissement de la croissance économique, cette politique n'a rien de prématuré. «Les ressources humaines vont devenir de plus en plus précieuses dans la période à venir, déclare Liang Cherng-kuo, secrétaire général de l'Administration de l'Emploi et de la Formation professionnelle de la CLA. C'est pourquoi, les employeurs locaux doivent concentrer leurs efforts sur les façons de développer les ressources «potentielles» de main-d'oeuvre. Dans le cas inverse, ils risquent de faire face à une grave pénurie, si grave en fait que leurs entreprises ne pourront continuer à fonctionner normalement». La force de travail potentielle à laquelle fait référence M. Liang est celle que recèlent plusieurs catégories défavorisées de la société, dont les handicapés, les femmes, les aborigènes, les employés à faible revenu et, bien sûr, les personnes âgées.

Parmi les mesures incitatives actuellement proposées figure une allocation mensuelle de 71 USD d'une durée maximale de six mois. Elle est accordée aux employeurs pour toute embauche d'une personne âgée de plus de 60 ans. Est également prévue une allocation de 3 570 USD versée en une fois à chaque entreprise gardant un employé qui a atteint l'âge de la retraite. Egalement, dans le but de permettre aux plus de 60 ans d'étendre et d'améliorer leurs qualifications, l'administration organise des classes de formation professionnelle couvrant une large variété de secteurs d'activité dans l'industrie et le commerce dont la durée est comprise entre six mois et un an. M. Liang appelle les citoyens âgés à tirer parti de ces programmes pour acquérir de nouvelles aptitudes professionnelles et jouir ainsi d'opportunités plus importantes sur le marché du travail.

Tomy Chen est le président de Juh Lien Industrial Co., qui fabrique une large variété de produits allant des tuiles en céramique et des fils électriques aux poutrelles en acier et aux équipements de protection de l'environnement. C'est un entrepreneur qui sait tirer le meilleur parti des ressources humaines à sa disposition. Sa compagnie pratique la politique de l'embauche des retraités. «Les gens de talent, et tout particulièrement les personnes âgées, constituent le bien le plus précieux de ma compagnie et son principal facteur de croissance, affirme-t-il. Avec de la sagesse, une riche expérience, des capacités de jugement et de compréhension plus développées, ainsi qu'un plus grand sens des responsabilités, les employés du troisième âge sont les meilleurs décideurs, stratèges et instructeurs de l'entreprise. Une autre compagnie devra peut-être consacrer vingt ans pour parvenir à un objectif particulier ; je vais me risquer à affirmer que mon entreprise, elle, n'aura besoin que de dix ans. Pourquoi ? Nos employés âgés travaillent plus efficacement parce qu'ils prennent leurs responsabilités au sérieux».

Une affirmation hardie mais les faits corroborent les dires de M. Chen . Juh Lien s'est fixé un objectif de 110 millions d'USD de ventes cette année. L'an dernier, elle s'est classée à la 353 e place des 1 000 premières entreprises privées et publiques de Taïwan. Il ne lui a fallu que cinq ans pour passer de la 643 e place en 1991 à son rang actuel.

D'un autre côté, la conservation de leur emploi est bénéfique aux personnes âgées parce qu'elle leur permet de meubler leur solitude et de se sentir utiles et partie prenante dans la société. «Le travail rend ma vie intéressante et enrichissante, déclare Yeh Ping-heng. Je ne peux pas imaginer ce que je ferais de mes journées si je ne travaillais pas». M. Yeh, 60 ans, travaille chez Juh Lien depuis que la compagnie a été fondée, il y a 11 ans. Il apprécie de pouvoir faire quelque chose qui l'intéresse. «C'est important en termes d'accomplissement personnel et d'affirmation de soi-même, explique-t-il. Et en travaillant ici, j'ai la chance d'être en contact avec des jeunes. Je me sens également rajeuni». Quand on lui demande à quel âge il prévoit de prendre sa retraite, il répond avec un sourire: «Je n'ai pas encore décidé».

Bien sûr, Taïwan n'est pas le seul endroit où le législateur est confronté à une société vieillissante. Plus au nord, le Japon voisin va bientôt s'engager sur cette voie difficile. A une époque où l'espérance de vie s'allonge et où les progrès médicaux sont quotidiens, aucun pays ne peut se croire épargné. Il ne fait pas de doute que le gouvernement a compris la menace. La question est de savoir si l'on fait le nécessaire pour que la situation apparaisse dans toute sa clarté à tous les secteurs de la société et à toutes les classes d'âge -- et particulièrement à ceux qui devront payer la note, quelles que soient les solutions retenues --. Il faudra davantage qu'une poignée d'entrepreneurs dévoués et imaginatifs tels que Tomy Chen pour faire face au problème du vieillissement de la population.

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